La Tradition Provençale
On appelle "tradition" tout ce qui s'est transmis oralement, de bouche à oreille, depuis toujours et jusqu'à aujourd'hui. La France est particulièrement riche de cet héritage. Il y a des traditions occitane, basque, bretonne...Que disent-elles ? A peu près tout ce que la science et la religion, cultures de l'écrit, ne disent pas. Voici ce qu'en dit une scientifique à l'esprit ouvert...
L'invention
Quel est le contexte ? De tout temps, les Provençaux sont persuadés que Marie, Marthe, Lazare, leur frère (la famille de Béthanie), avec Maximin, Sidoine, Marie Jacobé et Salomé, chassés de Judée par les Juifs, ont échoué, à bord d'un navire sans voiles ni gouvernail, sur les côtes de Provence. Ils ont évangélisé la région ; Marie-Madeleine a fait pénitence trente ans à la Sainte-Baume, puis a été ensevelie par Maximin, premier évêque d'Aix, à l'endroit où en 1279 s'élève l'église du prieuré bénédictin dédiée à ce saint évêque, au village du même nom. Mais on ignore alors à quel endroit se trouvent ses reliques dans cette église, on est incapable de les montrer.
Au même moment, en 1267, à Vézelay, les moines bénédictins viennent d'obtenir du légat en France une reconnaissance indirecte des reliques dont ils ont fait la translation et qu'ils disent être de sainte Marie-Madeleine.
Deux corps de sainte Marie-Madeleine, cela faisait un de trop. Il fallait éclaircir cette question, faire cesser l'incertitude résultant de ces contradictions. C'est ce qui détermina l'intervention de Charles de Salerne.
Qui est ce personnage ? Charles, prince de Salerne, alors lieutenant en Provence pour son père, est le fils de Charles d'Anjou, comte de Provence, et par conséquent le neveu du roi saint Louis. Il est lui-même père d'un saint, Louis de Brignoles, évêque de Toulouse.
Les annales et les chroniques nous apprennent que pour s'instruire il se rendit à Aix, fit compulser les livres d'histoire et les annales, interrogea les vieillards sur les traditions locales et ordonna toutes les recherches qui pouvaient l'éclairer.
Il acquit ainsi la certitude que saint Maximin avait inhumé le corps de l'illustre pénitente à l'endroit où était construite l'église de la petite ville qui porte son nom. Il s'y rendit donc avec sa suite, l'an de grâce 1279, au mois de décembre. Par son ordre des fouilles furent entreprises, les tombeaux visités, les murs et le sol de l'église sondés... On finit par atteindre la crypte qui avait été murée et remplie de terre.
Enfin, le 9 décembre, « le prince, nous dit le chroniqueur, avait dépouillé sa chlamyde, et, armé d'une houe, il creusait la terre avec une telle ardeur qu'il était inondé de sueur, lorsqu'un ouvrier rencontra un tombeau de marbre ». On essaya de l'ouvrir ; aussitôt il s'en échappa une odeur merveilleuse, qui donna à penser aux assistants que le corps qu'ils apercevaient était le trésor cherché.
Marie-Christine Trouillet, archiviste, paléographe